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LE TIPI DE LASTIROKOI
14 décembre 2010

IL ETAIT UNE FOIS… LE HAIKU

EN GUISE DE PROLOGUE /

 

Le haïku, c’est comme les sushis, on aime ou on n’aime pas… et si, dans le sushi, ce qui déplait, c’est l’odeur, le gout ou la consistance du poisson ; dans le haïku, c’est souvent sa brièveté, sa simplicité ou son hermétisme qui déroute…

 

Ce qui est extraordinaire, c’est que ceux qui détestent savent pourquoi ils détestent mais ceux qui aiment savent rarement pourquoi ils aiment.

 

Alors, pourquoi aime t on les haïkus ?…

 

L’une des premières raisons est que l’histoire du haïku est totalement corrélée à celle du Japon et que, plus près de nous, notamment aux US et au Canada, il suit également l’évolution du monde des idées…  Alors, le haïku comme révélateur de l’état d’avancement du monde? En quelque sorte, oui.

 

Beaucoup pensent que l’haïku est un art mineur  parce qu’il est court. Sa brièveté donne l’impression qu’il est facile à écrire et plus encore à lire (même quand on ne le comprend pas…) Souvent, c’est cette facilité supposée qui est la seconde raison (bonne ou mauvaise peu importe) d’aimer le haïku.

 

Il existe 8 règles édictées au cours des siècles à respecter pour écrire un « vrai »haïku (dont 5 seraient encore opposables aujourd’hui), mais les grands maitres du temps jadis ou d’aujourd’hui, outrepassent ces règles pour « rendre l’instant au cœur de l’éternité »… Alors, pour mieux rendre l’instant, (pour autant que le haïku soit effectivement le poème de l’instant, mais comme toujours, rien n’est certain), on oublie la règle des 17 syllabes ou celle du «mot-saison » et c’est cette liberté qui fait le charme ou plutôt la magie de cette forme littéraire

 

Car écrire un haïku, c’est accomplir toute une alchimie…On soumet le mot à l’épreuve de la communication de l’extérieur (ce que l’on voit) vers l’intérieur (ce que l’on ressent) pour ensuite le réinjecter vers l’extérieur (le lecteur) Puis, au feu du dialogue, avec soi même d’abord et avec les autres ensuite, on en transmute le sens en un langage universel.

 

Je vous invite à un rapide voyage dans ce monde si délicat, si léger du haïku à la fois machine à remonter le temps d’un Japon perdu et tellement actuel mais aussi sorte de « ZAZEN des mots et des sons »…  Bon voyage.


D’ OU VIENT LE HAIKU… ET OU VA-T-IL ?

(Pour cette partie, je suis éminemment redevable aux textes édités dans l’ouvrage « HAIKU / Anthologie du poème court japonais » publiée à la « NRF : poésie Gallimard » dont la présentation est une véritable mine d’or pour qui s’intéresse à ce genre littéraire. De la même façon, le choix des textes et leur traduction accompagnée de commentaires est d’une pertinence et d’une intelligence rare. Par ailleurs, j’ai fais le choix de n’illustrer mes propos d’aucune citation de poème à 2 exceptions près. Je pense qu’en France, les éditeurs qui prennent le risque financier d’éditer des haïkus méritent de voir acheter leurs ouvrages et même si j’encourage quelquefois à consulter le net (qui est aussi une source de savoir non remplaçable), je pense indispensable d’acheter les œuvres « papier »…)

Le haiku de par sa brièveté, sa sobriété est un peu l’OVNI de la littérature. On ne sait pas exactement ou et quand il a été créée, ni à quoi il correspondait vraiment et aujourd’hui, on ne sait pas si le poème que l’on lit baptisé « haïku » en est réellement un.

 

On pense qu’à l’origine, il s’agissait d’incantations aux divinités animistes shintoïstes, culte japonais qui célébrait (et célèbre toujours) essentiellement les saisons et les forces de la Nature, la mère, le début de toute chose. Et effectivement, les premières formes d’Haïkus, qui au demeurant ne s’appelaient pas comme cela, ont pour principal objet… la nature.

 

Historiquement, la première apparition avérée d’un haiku, qu’on appelait alors Tanka, à lieu en 760 de notre ère, dans le « recueil des mille feuilles », première anthologie du genre… sauf que le « tanka » n’a qu’une lointaine parenté avec nos haïkus modernes.

 

Les tankas sont plus longs que les haïkus car ils se composent d’une première partie de 17 syllabes qui célèbrent la nature (c’est le hokku / j’en vois qui rigolent dans le fond…/ puis haïkaï et enfin haiku) 17 syllabes qui doivent se prononcer d’une seule respiration… (Attention en japonais les syllabes longues comptent pour 2) puis d’un second souffle de 14 syllabes qui s’attachent à relier la scène évoquée à un sentiment ou à une émotion.

 

Cette forme poétique va connaitre entre le 9ème et le 11ème siècle, à la cour impériale, un succès grandissant puis foudroyant … On fait des concours de tankas en les enchainant à la suite l’un de l’autre, en véritables chaines… un premier poète fait les 17 premières syllabes et un second enchaine sur les 14 dernières et ainsi de suite, faisant des files de 50 ou 100 tankas… cela ne vous rappelle rien ? Oui hein: les cadavres exquis de nos surréalistes… rien ne se créée, rien ne se perd…

 

Entre le 11ème et le 17ème  siècle, les tankas, distraction privilégiée de l’aristocratie, prenant des formes de plus en plus triviales et empruntant au langage courant, connaissent, concurremment aux formes traditionnelles, des formes comiques (haiku renya).

 

C’est alors qu’il se produit une double évolution, contradictoire : Au début du 17ème siècle, débute la période dite d’Edo (ou du shogunat) qui va de 1600 à 1868. C’est une période de repliement du japon sur lui-même, sur ses traditions mais c’est aussi l’époque où l’on voit apparaitre une nouvelle classe bourgeoise qui s’enrichissant, aspire à des distractions « nobles » (le bourgeois gentilhomme au pays de soleil levant en quelques sorte).

 

Les tankas, forme complexe de cette poétique, sont bientôt délaissés au profit des haïkaïs bientôt haïkus (en fait, le terme haiku n’apparait qu’au XIXème siècle) qui se contractant doivent à la fois décrire la scène vue et en même temps suggérer l’état d’esprit du poète ; c’est ce que l’on appelle le « Yugen », qui, au Japon, est l’essence même de la poésie… Ne rien dire directement ; le suggérer. Cette vulgarisation se concrétise également dans les haïkaï-renga (enchainement de poèmes comiques empruntant au vocabulaire trivial) correspondant mieux à la culture des nouveaux riches évoqués ci dessus

 

Cette « peoplisation » du haiku entraine l’apparition des premiers maitres du genre, ceux qui vont laisser un nom dans la composition de cette forme poétique la plus courte du monde. Mais en même temps, cette floraison de grands maitres jointes à la politique très protectionniste, traditionaliste du Japon de l’époque vont conduire ces poètes à codifier, à imposer des règles au haiku, exactement comme Du Bellay a écrit « la défense et illustration de la langue francoyse » ou comme les règles d’unité de lieu, de temps… sont venues enchâsser la tragédie à l’époque du roi soleil, en France… Tout cela est normal ou tout au moins se retrouve partout dans le monde et en tout temps… et comme linéairement je l’indiquais, cela montre la coïncidence entre l’art du haiku et le monde dans lequel il se développe…

 

Mais qui sont ces stars du haiku qui apparaissent à partir du 17ème siècle ?

 

Le plus connu et le plus populaire fut Bashô (Matsuo basho 1644 / 1694) moine zen itinérant (très important cette notion d’errance chez les haikuistes y compris chez ceux du XXème siècle, on le verra ci après). Bashô en japonais signifie bananier (il doit son nom au bananier qui poussait dans la cour de son monastère d’origine).

 

Primitivement c’est un maitre du style comique, inspiré par les peintres et les poètes chinois  (notamment par Li Po). Pour Bashô, le haiku est l’art absolu dans un contexte Zen. Son errance lui vaut d’être bientôt suivi par une foule de disciples… à qui il enseigne les règles « académiques » qu’il fixe :

 

  • Un haiku possède une longueur invariable de 17 syllabes rangées sur une seule ligne (ce que permettent les « kanji » japonais). 17 syllabes est le nombre maximum de sons en rythme et en temps que l’on peut prononcer en un seul souffle.
  • Utilisation des « kireji », mots de césures qui rythment la langue et permettent d’effectuer de véritables « arrêts sur image »
  • Présence également systématique d’un mot « saison » (kigo). Il ne s’agit pas du nom de la saison mais d’un mot qui qualifie, qui évoque la saison. Par exemple si l on parle des feuilles rousses dans un haiku, il ne se déroule pas, à l’évidence, au printemps. Cela est important car les haïkus sont classés non pas chronologiquement, ni thématiquement mais par saison… nous sommes là en plein culte « shinto ».
  • La définition de principes à la base même de l’esthétique japonaise et présidant à  la composition du haiku sont également affirmés : sincérité, légèreté, objectivité, tendresse pour toute créature vivante, simplicité, sérénité, solitude, (sabi), beauté dépouillée en accord avec la nature (wabi) et enfin, équilibre entre le principe d’éternité et l’irruption d’un événement éphémère ou trivial (fueki- ryûko)

Et tout cela en 17 syllabes… ils sont fous ces japonais… mais tellement passionnants.

 

Quelques années après la mort de Bashô, nait Buson (Yosa Buson 1716 / 1783).peintre et poète, Buson recherche l’essence des choses, sans système… Nous sommes dans le domaine de la perception non verbale et directe de l’ambiance et de l’événement.

 

Enfin, lorsque Buson était à l’apogée de sa gloire, naissait Issa (kobayashi Issa 1763 / 1827) qui comme Bashô était un moine itinérant mais qui s’attache à décrire le pathétique de notre condition et la souffrance que génère l’impermanence. Nous sommes dans un registre presque social… ce qui est normal puisque l’ère d’Edo est en train de s’achever laissant un Japon exsangue où la misère est omniprésente.

 

Mais déjà, remarquons-le : 3 maitres et 3 conceptions relativement éloignées de ce qu’est un haiku…

 

A la fin du XIXème siècle débute une période où le Japon s’ouvre à nouveau au monde extérieur ; c’est la période « Meiji » qui débute en 1867 (l’année de la mort de Charles Baudelaire en France). Le haiku n’est plus qu’un genre littéraire désuet.

 

C’est en 1867 que nait Shiki (masaoka Shiki 1867 / 1902) immense poète qui va créer le haiku moderne et le reconnecter littéralement à la société dans laquelle il vit et quand il meurt, très jeune à 35 ans, le haiku est devenu un art à part entière. S’éloignant des conceptions poétiques de Bashô, il privilégie le croquis d’après nature à la manière de Buson (le « shasei »), s’éloigne du « renga » jugé trop trivial et invente enfin le terme «  haiku ».

 

Il a donné la première impulsion sortant le haiku de l’hibernation où il était plongé et en ce début du XXème siècle, le mouvement va s’accélérer. Dans la lignée de Shiki, nombre de Haikuistes poursuivent la réforme entreprise et le mouvement « hototogisu » (le coucou) dont la revue est la véritable caisse de résonnance publie les grandes pointures de cet art (Maeda Fura, Hara Sekitei, Natsume Soseki), art qui gagne ses lettres de noblesse. Ainsi, fait rarissime dans une société très « macho », une poétesse, Sujita Hisajo, publie, dans cette revue, ses meilleurs textes.

 

Mais cette évolution ne satisfait pas de jeunes poètes, trop à l’étroit dans les règles encore trop traditionnelles du haiku. Dans les années 20, certains poètes du « coucou » se séparent du groupe et se lancent, tel Mizuhara Shuoshi ou Kato Shuson, dans un mouvement encore plus radical en refusant, par exemple, la règle des 17 syllabes et celle du mot – saison (le haiku devient alors « muki »). Les années 30 connaissent une véritable explosion de création intense et d’innovations dans un monde en pleine mutation. Le haiku s’oriente vers des thèmes puisant aux sources sociales, politiques ou humanistes et prend la littérature étrangère comme modèle.

 

Arrive la seconde guerre mondiale, et le Japon, allié des nazis, (faut il le rappeler ?), ultranationaliste, voit d’un très mauvais œil, toute expression, tout art qui s’écarte de la tradition. Des poètes (Wanabe Hakusen, Saito Sanki, Hirahata Seito) sont arrêtés et internés pour entrave à la sécurité de l’Etat !!!

 

Arrive la défaite…Hiroshima… je crois que le plus beau texte, la plus belle et la plus percutante des œuvres sur cet événement est un texte de Kaito Shuson. Pour cela je renonce à la règle que je m’étais fixée de ne citer aucun des textes des auteurs dont je parlerai… mais voilà… parce que celui ci est…. Le voila :

 

Tableau de guerre atomique

 

Comme moi les morts ouvrent la bouche

 

Frisson

 

Ahurissant non ? Oui, je sais cela ne fait pas 5, 7 et 5 syllabes mais c’est traduit du japonais et là bas c’est sur une seule ligne… ok ?

 

Le monde a changé; les haïkus ont débordé de leurs références de jadis ; les poètes se sont libérés pour beaucoup des règles et des thèmes traditionnels et abordent tout et parfois n’importe quoi dans leurs œuvres… Il existe des débats, des luttes parfois féroces pour savoir si telle ou telle œuvre est ou non un haiku mais plutôt, comme on le dit maintenant, un court poème (japonais ou non).

 

C’est vrai que les règles présidant à la conception d’un haiku se sont à ce point dissoutes dans le maelstrom social et artistique et dans le snobisme de tout ce qui touche à l’Extrême-Orient en général et au zen en particulier qu’il est souvent bien difficile de s’y reconnaitre. Cela d’autant plus que si la poésie est devenue en France un art mineur, peu reconnu par les médias car peu éditée, que dire des haïkus, encore plus confidentiels et élitistes qui ne sortent de l’anonymat que lorsqu’un homme politique ou une impératrice se mêlent d’en commettre un recueil… mais en fait, pourquoi suis-je ironique ? Peut être sont ils l un et l autre d’authentiques haikistes ?… car je peux l’avouer : je ne sais pas ce qu’est un vrai haikiste et encore moins, un vrai haiku…

 

Aujourd’hui, le haiku est sorti du cadre strictement nippon pour se répandre à travers le monde : Parlerai je des écoles ou plutôt des mouvements américains, canadiens, européens, français… pas très utile ici: baladez vous sur le net, les sites bons et moins bons sont légions. Faites votre marché et choisissez selon votre gout… on trouve le pire et le meilleur et quelquefois de véritables pépites.

 

Je terminerais ce chapitre sur justement une découverte que j’ai faite en m’intéressant aux haïkus… quelque chose que je n’imaginais même pas :

 

J.Kerouac, vagabond (lui aussi, comme Bashô), poète américain, auteur de « sur la route » ou des « clochards célestes », fut un auteur reconnu de haïkus et je ne résiste pas à en donner dans ces pages un exemple:

 

Les semelles de mes chaussures
Sont propres
A force de marcher sous la pluie.

 

No comment, no ?

 

COMMENT RECONNAITRE UN VRAI HAIKU / MEFIEZ VOUS DES IMITATIONS

 

(Cette partie doit énormément aux travaux de Daniel Py publiés dans son blog chez wordpress et dont je conseille la lecture à tous ceux que l’Extrême Orient dans son art et sa littérature intéresse. Ainsi, la traduction des poèmes de mort des grands sages tibétains est d’un exceptionnel intérêt.

Pour le sujet qui nous occupe, sa traduction de

 

The modern English haiku

De g.swede

Columbine edition Toronto / 1981

Trad à paraitre aux éditions gammes/ QC)

 

est notre fil conducteur pour son érudition et l’originalité de sa présentation. N’hésitez pas à vous y référer car comme d’habitude il faut toujours préférer l’original à une copie.)

 

Nous l’avons vu : l’histoire du haiku japonais est une succession d’épisodes de remise en question des règles de composition traditionnelles (afin d’ailleurs de les remplacer par d’autres dont la 1ère pourrait être « pas de règle ») suivi d’une remise au pas sur la route ancestrale souvent inspirée par l’autorité étatique (qui déteste les nouveautés). Ce qui a existé et existe encore au Japon est également le cas en occident : USA, Canada : Aux deux extrêmes, il y a ceux qui excommunient de la religion « haiku » tout poème ne respectant pas les 8 règles traditionnelles (voir supra) et ceux qui n’en respectant qu’une : la brièveté font du « grand n’importe quoi » avec parfois de surprenantes innovations. C’est cela qui fait, il faut l’avouer, l’extraordinaire vitalité du haiku de chaque coté de la Terre.

 

Mais au fait, quelles sont ces règles traditionnelles ? Combien y en a-t-il réellement à respecter? Sont-elles toujours en vigueur aujourd’hui ? Qu’est ce qui distingue le « haiku » (dont tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit d’un poème court) des autres formes de poésies courtes : le sensuy japonais ou l’épigramme français, par exemple… Autant de questions auxquelles répond avec succès G.swede et son traducteur français, Daniel Py.

Affranchissons-nous tout de suite des questions (en apparence) de forme :

·         Un haiku doit faire 17 syllabes : pourquoi ?

·         Un haiku est écrit sur une seule ligne au japon mais sur 3 (5,7 et 5 syllabes) dans les pays anglo-saxons : pourquoi ?

 

C’est affreusement bête et ne correspond pas à grand-chose pour nous. Le haiku doit s’exprimer en un seul souffle et en japonais 17 syllabes, correspondant à 6 ou 7 mots, est la longueur maximum possible à dire d’un souffle sans se déclencher une crise d’asthme. Ce n’est pas du tout le cas en anglais ou même en français où 17 syllabes (environ 12 mots) sont trop longues à prononcer pour une expiration normale

 

Bref on a gardé le nombre mais non l’esprit pourtant essentiel dans la compréhension de ce qu’est un haiku ; car enfin, pourquoi ce seul souffle en japonais ?

 

Parce que le haiku est le poème de l’étonnement, de l’émerveillement et correspond aux « ah » ou « oh » du ravissement. Difficile à pousser le « ah » en question à bout de souffle…

 

Voila pourquoi beaucoup de haikistes anglo-saxons et européens s’affranchissent de la règle des 17 syllabes et raccourcissent leurs poèmes à 7 ou 8 mots retrouvant, paradoxalement, en fuyant les conventions, l’esprit d’origine du haiku.

 

Et bien sur, comme toujours en matière de lutte des anciens et des modernes, les modernes exagèrent un peu et inventent des formes baptisées haiku qui n’ont plus rien à voir spirituellement et même graphiquement avec les dits haïkus… (Il parait qu’il existe même des photos haiku !!!). et les anciens s’accrochent pathétiquement à des formes qui ne veulent pas dire plus de choses en comptant leurs syllabes… Bref le « grand n’importe quoi » cohabite avec des certitudes et l’ensemble forme une expression vivante quoique souvent élitiste et confidentielle (A quand un média, un jeu vidéo haiku ?)

 

Tous ces gens oublient que nous sommes dans un contexte « zen » qui prône justement d’éviter les excès d’un coté comme de l’autre…

 

Ah oui, j’oubliais… pourquoi les japonais sont sur une seule ligne et les anglais ou les français sur 3 ? C’est simple 12 mots sur une seule ligne, (et ça c’est sur et certain : ça ne dépend jamais), ça dépasse… et là également des expérimentations sur 2, 4 voire même une seule ligne (en réduisant le nombre de mots et donc le nombre de syllabes) voient le jour. Ce n’est pas totalement aberrant et reste me semble t il dans l’esprit « haiku ».

 

Je m’aperçois que je viens de traiter, sans m’en apercevoir, des 2 premières règles qui doivent, d’après nos auteurs de référence, être absolument respectées pour qu’un texte soit un « vrai »haiku :

 

  1. Il doit être bref
  2. Il doit exprimer l’étonnement, le ravissement allant même jusqu’au transcendant.

Sur les 8 règles du haiku traditionnel, G.SWEDE recommande d’en respecter pour le haiku moderne encore 3.

 

  1. Il doit concerner un aspect de la nature. (c’est vrai car autrement, s’il met l’humain au centre, nous ne sommes plus dans le domaine du haiku mais du sensuy, autre forme de poésie japonaise courte, mais cela est une autre question.)
  2. Il doit faire appel à des images sensorielles et non à des généralités. (là également pas grand-chose à dire, si ce n’est que je partage tout à fait cette idée ; à quoi sert il d’écrire. « il neige » ; c’est vrai mais c’est un peu le « madame est servie » de notre littérature ; cela n’apporte rien .A l’inverse, décrire une chienne toute folle découvrant la forêt pleine de gel est tout de même plus intéressant (surtout en 17 syllabes))
  3. Enfin, le haiku devrait s’écrire au présent. (là je n’en suis pas certain même si Bashô se retourne dans sa tombe car les scènes vécues sont toutes du passé et sauf à avoir son mac en permanence sur soi… (la pub est gratuite ; je remercie Apple de l’I Pad qu’il m’enverra). Donc la re-création au présent d’une scène déjà vécue m’apparait un peu artificielle. En d’autres termes, je ne vois pas ce que cette règle apporte de plus au haiku d’autant que le temps de la narration en français est plutôt le passé (et même le passé simple).

 

Enfin, il existait 3 autres règles régissant le haiku traditionnel qui semblent devoir être abandonnées dans le haiku moderne ou plutôt dont le non-respect ne disqualifie pas le texte pour un classement dans la catégorie « haiku »

 

  1. Il doit être objectif, c'est-à-dire ne pas exprimer la personnalité de l’auteur… (effectivement, mieux vaut abandonner cette idée… on écrit comme on vit, comme on est : vouloir le cacher serait même malsain)
  2. Il doit éviter d’être poétique (pas de rime, pas de métaphore)… donc, en respectant ce précepte, nous ne serions pas dans le domaine de la poésie !!! là c’est idiot ! (pardon Bashô…))
  3. Il doit contenir une référence à une saison précise (cette règle va sans dire : quand on parle de nature, on parle fatalement de saison, non ? du moins, je crois, même de façon elliptique… je ne pense pas cette règle essentielle).

 

Voila, ici s’achève l’énumération de ces règles de composition académique du haiku traditionnel pour 8 d’entres elles et modernes pour les 5 premières d’entres elles ; règles dont le non respect pendant la seconde guerre mondiales au Japon, entraina l’internement de poète pour « atteinte à la sureté de l’Etat… »

 

ET POUR CONCLURE

 

Ce qu’il y a de bien, c’est que quand on écrit ce genre de document, on est tout seul et donc on a toujours le dernier mot. On peut conclure, certain de la justesse de ses arguments, sans craindre la contradiction.  Quoique, le problème avec le Japon en général et les haïkus en particulier, je l’ai déjà dit : c’est « qu’on est jamais sur de rien »… et puis comme cet écrit est destiné à mes blogs, je risque de recevoir des commentaires qui justement iront dans un sens différent du mien… Bon tant pis : Jouons le jeu…

 

Plus sérieusement, en qualité de lecteur, j’ai pour les haïkus des grands maitres d’hier et d’aujourd’hui, le même respect et la même dévotion que lorsque j’ouvre «l’odyssée d’Homère », « les Perses  d’Eschyle » ou un vieil Hemingway.

 

Croyez bien que, comme en amour, la longueur de l’œuvre n’a rien a voir à l’affaire… quelques mots tracés il y a tant de siècles, traversant l’espace et le temps pour venir encore nous émouvoir, nous faire rire ou rêver… voila qui rend le haiku irremplaçable… et en relisant le texte de Kerouac, tout à l’heure, je me disais que la force d’évocation de ce vagabond américain était dans ces quelques syllabes aussi fortes qu’une chanson de Dylan durant 11 ou 12 minutes… La question des règles de composition est alors bien loin face à un tel prodige, non ?

 

Et en tant que créateur, la querelle des anciens et des modernes ne me perturbe pas plus. Quand je veux écrire un texte court (sensuy,… texte libre…) j’écris un texte de quelques syllabes mais lorsque je veux écrire un « haiku » je respecte les règles de composition que j’estime essentielles (mais je ne fais aucun procès à ceux qui s’en affranchissent). Je ne sais pas si ce que j’écris est vraiment un haiku, (ça en a la couleur mais le gout, hein le gout ?) En tout cas j’essaye, sincèrement,  j’essaye…

 

Par contre ce que je sais, c’est que se plier à la règle des 17 syllabes, des 3 vers,  du mot « saison » et du contraste entre l’événement et la permanence, entre le trivial et l’éternité est une discipline dont la dimension spirituelle est indéniable (notamment si l’on s’astreint régulièrement voire quotidiennement à cet exercice car c’est bien d’une gymnastique cérébrale dont il s’agit.).

 

Soyons clair : je ne penserai jamais comme les japonais ; je n’aurai jamais leur état d’esprit, leur philosophie et je ne le cherche de toutes les façons pas. Mais me plier aux règles académiques de composition d’un haiku m’oblige à condenser ma pensée, à écrire « utile » au service de l’instant que je revis par l’écriture. Et alors je cesse de penser à tout autre chose qu’à ces 17 syllabes que je dois domestiquer, plier pour rendre l’instant vécu. Je suis dedans, je suis autre part dans une autre dimension, pas exactement le passé, pas exactement le présent, autant de temps revisité ou plutôt reformaté. Et alors cette concentration devient presque zen. L’alchimie dont je parlais au début fait son œuvre… je me suis enrichi du verbe et d’autre chose que je ne parviens pas à qualifier…

 

Dans mon « métier » d’écrivain, cette discipline me permet de trouver dans les autres formes d’expressions que j utilise, la meilleur forme, le mot exact ou la tournure adéquate avec plus de facilité et d’aisance…

 

Bon ce n’est pas tout cela, mais j ai mon haiku quotidien à écrire…

 

Last Irokoi © 2010

 

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