ODYSSEE
Il y a, dans ma tête, une planète inconnue
Sans ville, ni village,
Sous les arbres d’une inextricable jungle,
Il fait nuit et les clairières sont des marécages
Peuplées d’animaux monstrueux, un peu gluant
Un peu répugnant comme ceux
Dont je rêvais quand j’étais enfant.
Et loin, loin, à l’est, le rivage d’un océan
D’eau rouge sang, bordé d’une plage
De sable métallique.
Trois ou quatre soleils jettent une ombre erratique.
C’est une lumière de comète, froide,
Qui délave les couleurs de l’aube d’un trait sombre.
Allongé sur le métal de la grève,
Je regarde mes mains et je rêve
Mes bagues de bois aux doigts bleuissent.
Je regarde au large de cet océan sans limite
Et sur la plage de cette planète inconnue,
Je suis seul.
L’eau rouge agresse mon regard
Il y a des oiseaux noirs qui dérivent
Sans but, là-haut, dans le ciel
Et on entend dans la jungle,
Des grognements et des feulements
Evadés de gosiers sauvages
Dont l’odeur de charogne
Me donne la nausée.
Qu’est ce que je fais ici ?
Je ne m’en souviens pas…
Qu’est ce que je viens faire
Dans ce coin de l’univers ?
Je ne le sais pas.
J’ai mal partout et je porte dans la paume
Une longue blessure qui ne se referme pas.
Il y a dans ma tête, une autre planète,
Et je sais aujourd’hui, que je n’y retournerai pas…
C’est une odyssée dont on ne revient pas.
Jamais ne retrouverai la longue cacophonie des voix,
La ciselure des pierres du désert et des façades des monuments ;
Perdues à jamais l’exubérance des mégapoles
Et leurs tours dantesques qui pointent
Leurs doigts rageurs d’antennes hérissées
Vers les nuages, les merveilleux nuages
Enfuies les frais matins et les torrides midis
Et les soirs de porcelaines
Sur les rizières d’encre de chine, vernie.
Il y a dans ma tête, cette planète
Et aussi ce regard qui ne me quitte pas
Ce regard de jade où flotte
L’ombre d’une fumée,
Ce regard qui m’avait une fois pour toute envouté,
Pour qui je voulais accomplir tant d’exploits,
Exécuter tant d’œuvres, parfaites
Devenir un héros, un savant et un sage à la fois.
Voler sa force à Alexandre
Et prendre à Galilée, sa sagacité.
Dérober son trésor à la reine de Saba
Etre aventurier, poète, capitaine
Ou bien un enfant… le tien, peut être
Pour m’endormir contre toi.
Oui, je ne sais pas ou je suis, ni pourquoi
Mais je sais pour qui et c’est pour toi.
Il y a dans ma tête cette planète et ce regard
Qu’un jour, tous les deux, j’ai perdu.
Et je sais aujourd’hui
Que je ne les retrouverai pas.
LASTIROKOI C 2010