THE KOBE SONG
Il paraît que là bas rien à changé
Il est, au bout de la jetée, une plage
Et, au bout de la plage, des rochers.
C'est là le refuge des oiseaux de passage.
Je venais, sur le sable mouillé,
Lire un vieux roman d’Hemingway,
Mais c'est eux que je regardais.
La plume ébouriffée, face au large,
Ils surveillaient dans le sillage des barques,
Les poissons de corail et les coquillages d'argent.
Voyageur immobile, j'oubliais le temps,
J'oubliais les heures, imaginant les croisières,
De ces philosophes imprudents,
Ne connaissant ni limite, ni frontière.
Puis, la nuit venue,
Dans la lumière
D'une étoile myosotis
Je rentrais vers la ville
Mouillée de néon.
Je traversais le port,
Longeant les docks déserts,
Les yeux fixés
sur le dernier funiculaire
Qui grimpait là haut,
Encore plus haut que «Kitano»,
A la lueur de la voie lactée
de ses pylônes d'acier.
Il paraît que là bas rien n'a changé.
Tout au bord du quai,
Ce vieux galion noir, jadis abordé
Par des archers d'or et d'ivoire
Attend toujours un capitaine
Qui ne reviendra pas
Et si aujourd'hui, le «shogun» est un bar
Dont l'enseigne rougie
L'ardoise bleue du trottoir,
Passent toujours,
Entre la douane et le viaduc de fer,
Le phare d'un métro,
Dragon grondant,
effrayant la statue d'un moine de pierre.
Existent toujours ces impasses qui ne mènent nulle part
Piétinées sans tristesse, par des filles sans espoir.
Humain rappelle toi:
Il paraît que là bas rien n'a changé...
De cette fissure du béton
Sur le quai éventré,
Certaines nuits de brume,
S’élèvent et se plaignent
Les voix des spectres
enterrés là, sans sépulture
Ni rite funéraire
Humain rappelle toi: Ici ce fut l'enfer...
L'horreur sans pitié et la mort sans visage.
Même Dante a laissé dans son cauchemar
l'auréole d'un mirage et l'espoir d'un hasard.
Humain rappelle toi
Vois les stigmates d'un séisme d'autrefois
ces kanjis tragiques tracés
de la pointe tordue d'un réverbère
Par la main d'un dieu ou d'un démon.
Humain rappelle toi
et dis toi bien que demain,
c'est sous tes propres pas
Que la terre s'ouvrira...
in «LES NUITS D'OSAKA»
ROYAN LE 15 JUILLET 2010
LAST IROKOI c 2010
POUR KRYSTIN